On ne dit pas d'ânerie à Saint-Léger-des-Prés
Vous savez que j'adore les incongruités législatives. J'aimerai partager avec vous un formidable arrêté pris par le maire de la ville de Saint-Léger-des-Prés en Bretagne en 1991 :
"Nous, Maire de la commune,
- Vu les textes écrits par Châteaubriand, à propos de l'âne, et publiés dans la "revue des deux mondes" du 1er décembre 1834,
- Vu en particulier cette affirmation selon laquelle "on couvre de son nom cent imbéciles qui ne sont pas dignes de lui ressembler,
- Vu également cette phrase de Châteaubriand rapportée par le comte de Marcellus ("Châteaubriand et son temps") selon laquelle "c'est nous nation rieuse qui avons fait de l'âne un animal abject",
Considérant que ces textes émanant d'un de nos plus grands écrivains ont force de loi,
Arrêté
Article premier : Il est interdit d'utiliser sur le territoire de la commune de Saint-Léger-des-Prés toute expression portant atteinte à l'honorabilité de l'âne, en particulier "bête comme un âne", "ânerie", "bonnet d'âne", etc...
Article second : Tout contrevenant pris en flagrant délit devra présenter ses excuses sous forme de carottes ou de sucreries aux ânes résidant sur le territoire de la commune.
Article troisième : Le maire de Saint-Léger-des-Prés et toute autre personne susceptible d'être intéressée par cette mesure, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui sera affiché à partir du 1er avril 1991
Saint-Léger-des-Prés, le 1er Avril 1991
Signé : le maire, J. Le Borgne de la Tour".
Vous avez bien lu, il est explicitement interdit de dénigrer les ânes sous peine d'excuses publiques et de carottes. Cet arrêté est toujours en vigueur mais hélas, il n'y a plus aucun âne sur la commune, rendant la sanction plutôt caduque. Mais pourquoi un tel arrêté ? Le maire a-t-il eu un problème à régler impliquant des ânes ? A-t-il été traité d'ânes ? Est-ce un fanatique des ânes ? Il avait bel et bien 3 ânes mais ce n'est pas la cause de l'arrêté. Comme nous le dévoilait le maire de la ville en 2013, à cette époque, la ville devait faire d'importants travaux dans l'église du village. Or, cela avait un coût non négligeable et le maire était alors en quête de subventions. Mais qui voulait aider un petit village inconnu perdu dans la Bretagne ? Ainsi, pour attirer les feux des projecteurs, le maire eut l'idée de cet arrêté atypique. Et cela a bien marché, cela attira l'attention de la presse et alerta les notables alentours et finalement les travaux purent se faire. Tout cela fût rendu possible en demandant à ce qu'on respecte un animal. Comme quoi, cela paie.
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