La secte des Assassins
Mondialement connue et popularisée par la saga phare d'Ubisoft, la secte des Assassins a bel et bien existé. Néanmoins, on constate dans le premier opus une libre interprétation historique, comme on pouvait s'y attendre. Il convient donc de s'extraire de ces préconçus pour y voir une réalité bien plus complexe.
La religion musulmane est composée de plusieurs courants dont les deux principaux sont le chiisme et le sunnisme. Au XXIe siècle, nous avons d'un côté le Califat fatimide qui couvre l'Afrique du Nord, l'Égypte, la Sicile et une partie du Moyen-Orient et qui est ismaélien, une branche du chiisme, de l'autre côté, l'Empire seldjoukide qui couvre le Turkestan, l'Iran, l'Irak et l'Asie Mineur/Anatolie (une partie de la Turquie actuelle) qui était sunnite. Les seldjoukides souhaitent s'étendre sur le Moyen-Orient et la résistance s'organise côté fatimides pour défendre leurs positions et leurs courants religieux. Une crise de succession a lieu chez les fatimides et Hassan ibn al-Sabbah prend le parti de Nizâr, un jeune prince prétendant au trône qui avait des volontés expansionnistes et de répandre la bonne parole en conquérant la Perse (donc déclencher une guerre plutôt que de défendre ses seuls possessions). Sauf que ce n'est pas le parti de Nizâr qui remporta le trône et Hassan ibn al-Sabbah fut contraint à l'exil. Il va donc se réfugier en Iran au sein de l'Empire seldjoukide, à Alamut, une ville dans les hauteurs, avec une grande forteresse de montagne. Hassan ibn al-Sabbah est un brillant prédicateur et parvient à convertir les habitants à sa vision ismaélienne radicale, le Nizârite se reposant davantage sur le mysticisme. Le maître des lieux abandonne finalement la forteresse, désavoué, n'ayant plus le soutien populaire et contre 3000 dinars d'or. Hassan ibn al-Sabbah arrive donc à la tête de cette forteresse sans effusion de sang. C'est un sacré tour de force mais il n'est pas dupe, ils sont peu, au sein d'un empire énorme et ça ne sera pas aussi simple. N'ayant pas d'armée et ne pouvant se reposer que sur ses mots, c'est là qu'il va créer les Asāsīyūn que les européens traduiront par Assassins.
Première idée reçue, il faut savoir que Asāsīyūn, contrairement à ce qu'on put dire bon nombre de récits européens, ne vient pas du haschich. Des études approfondies et le croisement de sources notamment orientales nous permet de traduire ce mot par "ceux qui sont fidèles au assas", le assas étant le fondement de la foi. Ensuite la secte des assassins n'est pas composée que d'assassins. Il y avait des propagandistes, les Da'is, chargés de promouvoir le Nizârite auprès des populations locales mais également de faire répandre des rumeurs sur les assassins comme, par exemple, qu'ils arrivaient à devenir invisible, pouvaient se téléporter... afin d'effrayer les seigneurs locaux qui voudraient s'opposer à eux. Il y avait les commandants, les Rafiq, qui tenaient les forteresses et les villes ralliés au Nizârite, c'est eux qui étaient chargés d'attribuer les missions ordonnées par le grand maitre et de s'assurer de la formation tant militaire que religieux des Mujib, les novices. Et seulement enfin, nous avons les Fidais qui sont à proprement parler les tueurs dévoués au grand maitre, Cheick al Djabal. Autre point, l'origine première des Assassins est la lutte contre l'Empire seldjoukide et le sunnisme en général. La majorité de leurs assassinats sont dans cette optique et concernent donc des sunnintes. Ces derniers sont des ennemis communs avec les francs, ce qui fait qu'au départ, les assassins ne virent pas les croisés comme des ennemis. Il y a eu bien entendu des assassinats de croisés comme Conrad de Montferrat, roi de Jérusalem ou encore Philippe Ier de Montfort-Castres, seigneur de Tyr, mais c'est plus un rappel à l'ordre et un avertissement sur certaines limites à ne pas franchir ni certaines prétentions à ne pas avoir. Les vrais ennemis des assassins restent les sunnites.
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