Au comptoir du savoir

Disclaimer:

J'insiste sur le fait que ces savoirs ont été valables lorsque je les ai écrit mais que depuis, ils ont pu changer.

L'organisation confessionnelle de la politique libanaise

Suite aux récents événements qui ont frappé le Liban, je me suis dit que je devais faire un petit article sur eux. Ainsi, j'ai commencé à me renseigner sur le pays du cèdre. C'est alors que j'ai découvert l'organisation atypique de leur politique. En effet, le Liban n'est pas un pays laïque. En cela, il n'y a rien d'exceptionnel. De nombreux pays reconnaissent leur héritage ou la suprématie d'une religion sur son territoire. Ainsi son organisation repose alors sur cette religion. Là où le Liban se distingue est qu'elle a reconnu tout un ensemble confessionnel et surtout a partagé le pouvoir proportionnellement aux différentes confessions et leur poids. 

À la fin de la 1ère Guerre Mondiale, l'Empire Ottoman est démantelé et des pays vainqueurs reçoivent un mandat de la Société Des Nations, l'ancêtre de l'ONU, pour gérer les territoires jusqu'à ce qu'ils atteignent la maturité politique, institutionnelle, économique au point de devenir indépendant. La France a alors eu en charge le Liban et la Syrie. Le Liban obtient son indépendance le 22 novembre 1943. Cependant, la situation religieuse dans le pays est compliquée. Historiquement clanique, de grandes familles dirigent leur communauté religieuse et entendent faire valoir leur droit. On a essentiellement d'un côté des chrétiens, notamment l'Église maronite et on a les musulmans, eux même séparés en deux groupes, les sunnites et les chiites. On a évidemment d'autres confessions plus mineures. Le pays est tout jeune, un peu fragile et donc ses voisins lorgnent sur cet État qui n'est plus la France et cherche à développer une certaine influence, tant la Syrie que l'Iran que les pays occidentaux. Le pays veut alors affirmer son indépendance, sa souveraineté et cela ne pourrait se faire si les différentes communautés ne sont pas unies. De cette volonté va naitre en 1943 le Pacte national libanais. Il n'est pas inscrit dans la loi à l'époque, c'est un pacte officieux, non écrit, mais très important entre les différentes communautés. C'est littéralement un partage de pouvoir entre les grandes religions afin d'obtenir la paix interne et pouvoir s'affirmer face au voisin. Ainsi, les maronites se voient offrir la présidence de la République ainsi que la tête de l'armée libanaise, en échange, ils doivent reconnaitre le caractère arabe du pays, de sa culture et de sa langue et se détacher, prendre leur indépendance des pays occidentaux. Les sunnites se voient offrir la présidence du Conseil des ministres, l'équivalent du 1er ministre chez nous, en échange de quoi ils doivent se détacher de la Syrie qui avait des volontés expansionnistes et affirmer face aux autres pays sunnites l'indépendance du Liban. Les chiites se voient offrir la présidence de la Chambre des députés en échange de repousser l'influence iranien. La chambre des députés a également un système de quota où les sièges reviennent aux différentes confessions dont je reprend le tableau de Wikipédia

Confession Avant Taëf Après Taëf
Catholique Maronite (en) 30 34
Orthodoxe Orientale (en) 11 14
Catholique Melkite (en) 6 8
Orthodoxe Arménien 4 5
Catholique Arménien 1 1
Protestant (en) 1 1
Autres Minorités Chrétiennes (en) 1 1
Total Chrétiens 54 64
Sunnite (en) 20 27
Chiite (en) 19 27
Alaouite (en) 0 2
Druze (en) 6 8
Total Musulmans + Druze 45 64
Total 99 128

Qu'est-ce que signifie ce avant/après Taëf ? Il faut savoir que le conflit israélo-palestinienne frappa durement le Liban. Celui-ci ne participa pas à la guerre mais reçut des vagues successives d'immigration palestinienne et donc sunnite. Cette communauté prit alors énormément d'importance et cassa l'équilibre du Pacte. Les tensions resurgissent et ce fut la guerre civile de 1975 à 1990. Pour mettre fin au conflit, les Accords de Taëf furent signés par les différentes factions et inscrit cette fois bon nombres de principes du Pacte dans la Constitution et dans la loi avec un rééquilibrage des forces.

Outre le pouvoir politique, le pouvoir judiciaire dispose également de tribunaux religieux propres aux différentes confessions pour tous soucis confessionnels dont notamment la gestion des mariages et divorces tant le mariage civil n'existe pas. 

C'est ainsi qu'on se retrouve avec un pays religieux non pas dominé par une religion mais par un conglomérat de religions. Un équilibre fragile (en témoigne la guerre civile libanaise) mais qui a le mérite d'exister et de réussir à faire cohabiter diverses mouvements religieux sans trop léser ou marginaliser ou discriminer certains, un bel acte de vivre ensemble en quelque sorte. Reste la question de l'intérêt d'organiser la politique d'un pays sur des communautés religieuses plutôt que de s'en extraire et séparer le pouvoir temporel et spirituel mais il n'est pas de cet article d'en débattre.  

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